The Vin & The Diesel

Publié le par Yan

Il est de ces films qu'on concède sans peine de piètre qualité, qu'on aime à basher sans trop de raison et à citer pour son hype bas du front et son vernis ô combien factice, son actoring foireux et son armée de suiveurs niais, son scénario lunaire et sa musique à la mode.

The Fast & the Furious en est un excellent exemple. Un de ces films de "quand on était p'tits" qui continue de faire recette et qui, à chaque fois qu'on se dit que ce sera la dernière, trouve le moyen de laisser, encore, ce sourire de gamin sur nos faciès ravis. Alors non, je ne ferais pas de mystères, Fast Five, le cinquième volet si bien nommé, est un super bon film, un de ceux qui font sautiller comme un gosse avec un nouveau jouet et donnent envie d'en avoir un autre, là, maintenant, tout de suite, pour prolonger le kiffe. Voyons maintenant pourquoi.

 

Justin Lin était arrivé sur la série avec le fanfrelucheux Tokyo Drift, film le plus décrié de la franchise et qu'on aime à oublier pour de trop mauvaise raisons. Tokyo Drift était un film de commande réalisé par dessus la jambe, avec du tuning extreme (le minivan Hulk), des personnages idiots et de la vanne autoparodique par blocs de douze (et aussi une chanson titre "j-rap" absolument délirante). Bref, il me fait bien marrer, ce trip japonais. Le film est un succès en salles, rapporte des pésettes et permet à Lin de demander et surtout d'obtenir une suite plus roots : pour le quatrième volet, il ramène les acteurs des origines et signe une histoire avec des mecs qui conduisent des voitures super vite, pas un film de voitures avec des mecs dedans. Un détail, un jeu de terminologie relativement vain, mais qui à l'écran se ressent comme tel : après avoir exorciser le Need for Speed de Fast and Furious avec un personnage ridicule, des bisous lesbiens, une réplique dantesque dans un garage et un GPS avec des bikinis qui dansent dedans, Lin envoie ses voitures dans les murs et Dominic Toretto profite du Vin Diesel post-Riddick : un bulldozer. Justin Lin sait faire sauter des murs. C'est pas pour rien qu'on parle de lui pour réaliser Terminator 5. Fast & Furious 4 était un film de vengeance sur lequel on a passé le filtre Fast & Furious, Fast Five sera un film de braquage sur lequel on passera le filtre Fast & Furious.

 

 

Pour cet épisode best of réunissant pratiquement tous les personnages de la franchise (il manque Leon et Suki, quand même), Lin monte un chassis de poncifs avec un sans-gène manifeste et équipe le tout d'un gros V8 bien bruyant. Le résultat est évidemment explosif, surtout avec des gars comme The Rock dans des seconds rôles tout en finesses.

Complètement décomplexé, Fast Five trimballe ses personnages dans un Rio de l'apocalypse motorisé, entre meetings craignos qui font rire même ses héros et courses poursuites barbares en trainant un coffre fort de douze tonnes. Dès l'introduction, on est dans le bain. On renverse des autocars pour sauver ses potes et on s'échappe d'un train brésilien en se jetant  d'une falaise en Corvette '63 oversized (*jingle de Triple X*). Le réalisme ira voir ailleur si on y est. Fast Five est un film de bourrins, par des bourrins et pour des bourrins, qui trouve le moyen de se moquer de son propre bourrinage, comme lors de ce rodéo improvisé en pleine avenue déserte, en voitures de police et toutes sirènes dehors. C'est n'importe-quoi (merci Tyrese) mais on entre complètement dans ce monde barré où les lois des frangines logique et physique n'ont plus court. Il faut dire qu'en sus des péripéties à moitié frappées, les cascades sont aussi improbables que bien réalisées. Le recours à l'image de synthèse est minime, y a de la tôle froissée, de la vraie, et ça fait du bien.

A côté, entre les citations même pas feintes d'Ocean's Eleven et la palanquée de vannes à destination des vieux fans d'il y a dix ans (oui, déjà), Fast Five parvient à caractériser correctement ses personnages et à en creuser même un peu certains. Ne lisez pas ce que je n'écris pas, c'est pas un drame psychologique non plus, mais le soin apporté à tout ce brol (©Shala) est aussi évident qu'appéciable. Certes, ce petit monde tourne encore et toujours autour de l'inébranlable Vin, mais chaque personnage trouve et prend sa place, même ceux qu'on pourrait trouver inutiles au premier abord (les deux hispanos). Et à la fin, tous les gentils, après s'être tappés dessus, finissent dans le même camp comme dans tous les bons comics. On est loin du délire cacophonique qui ne mène nulle part du dernier Pirates des Caraïbes.

Même la collection de tutures a une certaine classe. Fini les japonaises over-trafiquées jaunes fluos, ici on roule en vieux machins couillus comme une De Tomaso Pantera ou une Skyline 2000 des 70's et on braque le central de la Police dans des Charger SRT-8 piquées dans le garage même de la maréchaussée. Même les motos de ces dames ont des gueules qui font peur. Pardon, hein, mais une Ducati Street Fighter, c'est quand même autre chose qu'une Kawa ZX-6. Ah, et on retourne un bus de prisonniers avec une Honda NSX, aussi. Même pas peur.

 

Au final, difficile de reprocher quoi que ce soit à ce film direct et franc. La franchise se bonifie avec le temps, se détournant du monde de la rue des origines pour embrasser celui du grand-banditisme décomplexé. Justin Lin maitrise son sujet, ses acteurs communiquent sans peine le plaisir qu'ils ont à être là et le spectable de presque deux heures (quand même) est d'une impeccable fluidité. Une série B assumée qui vit essentiellement parce qu'elle sait ce qu'elle est. La baston tant espérée entre le Rock et Vin se fait le reflet du film : tout ce à quoi le spectateur est en droit de s'attendre d'un Fast & Furious arrive et explose l'écran, sans artifices ni fausses prétentions. Fast Five est un film sincère qui ne prend pas son spectateur pour une andouille et lui donne ce qu'il est venu voir. Et même plus, dans une séquence post-générique qui file juste des fourmis dans les jambes... Un bourrinage à gros budget qui ne déçoit pas et qui sait où il va, c'est rare. t

Publié dans Cinémascope

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