Sans Passeport

Publié le par Yan

La vie est pleine de recontres étonnantes.
Cet hiver, l'animal nourri au rock poussiereux que je suis fit la rencontre d'un rappeur. Un bien, bercé d'influs latino. Son groupe, Canelason, venait de sortir sa deuxième galette et le premier extrait que j'en eut fut particulièrement plaisant. Influence latino, disais-je. 

 

 

Sin Pasaporte est un album rempli à ras bord. 18 pistes+ 1 remix, 1h15 de musique. Moi qui n'suis pas rap du tout, j'avais un doute à l'idée d'y mettre des billes. Et puis le temps aidant, à force d'écouter La Rumba via Youtube, j'ai acheté le machin.
Ce matin, je l'ai soigneusement sorti de son emballage pour le donner à manger à mon systeme audio 2.1 boosté à 2x5W. Wai, j'suis sourd, alors la qualité du son, tant que j'entend les basses... Deux écoutes plus tard, j'ai du prendre le clavier pour en parler. Moi pas aimer rap. Moi aimer Canelason.

 

Après une intro samplée tout ce qu'il y a de plus dispensable mais qui met néanmoins dans l'ambiance et assortie d'un vache de solo de gratte -wai, un solo de gratte-, In-K et Kahifa lancent vraiment l'album avec Lions. Le phrasé est bon, plein de variations, habillé par une rythmique sourde et une ritournelle sauce nord-africaine. J'avoue ne porter qu'une importance toute relative aux paroles. Les revendications à l'origine même de la musique que j'écoute là tout d'suite passent royalement au dessus du campagnard que je suis. Toutefois, difficile de ne pas noter dans les textes de Canelason une certaine fraicheur et surtout une grande maturité, loin des conneries "nique la police la vie c'est la galère avec mes potes" auxquelles le rap français du XXIeme sicèle nous a habitués. Chose notable : c'est sacrément bien mixé, ce machin (et j'écoute Kyuss, je sais de quoi je parle question mixages foireux).

 

Tout passe donc admirablement bien, et ce départ africain ne trompe qu'un court instant : c'est en AmSud que se balade Canelason. La Rumba a une ligne de basse absolument géniale et dès Desde Mi Ventana, les refrains en espagnols se mèlent aux flows en français (et inversement). Rayon chant toujours, j'aime beaucoup cette petite voix féminino-robotique qui colore certaines chansons, sorte de fil rouge super mignon de l'album.

 

De samples en accords à la sèche, Canelason se forge certes une identité relativement nouvelle pour le paysage francophone qu'on a l'habitude d'entendre, mais est surtout extremement plaisant à l'oreille. Très dansante, rythmée et fort bien écrite, la musique du duo me convertirait presque à la salsa.

 

On ne passera toutefois pas au travers de titres plus classiques, voire basiques. Mode de Vie (excellente au demeurant) fait ainsi figure de chanson "présentation" un brin racoleuse. Une pub parfaite malgré tout, ne serais-ce que par le featuring de Dany Dan (Google m'a dit qu'il était connu) et, surtout, une instru très travaillée et colorée. Des titres comme Fiesta, Playa Canelason et Africa, eux, sont juste inécoutables pour le profane que je suis. Trop ghetto, malgré les guitares sèches et les cuivres.

 

Parmi les petits instants de génie, on évitera soigneusement de passer à côté du morceau titre au refrain chanté terriblement attachant, Desde Mi Vientana et ses choeurs, le "sifflotit" de Gondwana, Todo Eres Tu au violon surprenant, la superbe intro d'Homme de Passage et l'Outro, sautillante et sifflée à la Morricone.
A l'opposé, la piste bonus, un remix de Mode de Vie, est à jeter par la fenêtre.

 

Au final, Canelason me fait un peu l'effet d'une porte ouverte sur un frange "pas racaille" du rap français, un truc frais, pétri d'influs world music, aux textes travaillés et qui, mine de rien, vient faire la nique aux affreux qui vendent des disques moisis par paquets de 20 et qui font que non, le rap, j'aime pas ça.

 

Quand j'y repense, le dernier truc latino que j'avais aimé à ce point dès la première écoute, c'était Puya. C'était pas le même style du tout, et c'était y a loooooonngtemps. D'ailleurs, eux aussi s'étaient essayé au hip hop. t

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