Dead Phantom

Publié le par Yan

L'ère moderne que nous vivons est parfois pleine d'étranges surprises, et rarement des bonnes. Difficile d'avoir manqué, au fil de cette première décade du XXIème siècle, la tendance maladive qu'ont les publicitaires de prendre un vieux machin cool et de le moderniser n'importe-comment pour soi-disant le laver de la poussière kitsch qui s'y est déposée. Le cinéma (par exemple) nous balance à la gueule des remakes plus ou moins fantasques, souvent mauvais, mais, et c'est là mon point, toujours "réalistes". Enfin, ce que les "loisirs fictionnels" modernes (cinéma, BD, jeux videos) appellent réaliste, à savoir du sang, du sang, et du sang. Comprennez que quand on fait un truc "réaliste", il est forcement sale, parce que "le monde est sale" et, surtout, que les balles ça fait saigner. Beaucoup. Et au ralenti.

 

Dans les comics, depuis maintenant une bonne dizaine d'années, on a donc droit à du violent à toutes les sauces. Au début, c'était fort intéressant parce que tout nouveau et vraiment bien scénarisé. Je n'aime pas les New X-Men de Grant Morrison, mais il faut bien avouer que pour redynamiser une série moribonde, c'est assez fort, surtout qu'au delà du spectre de la violence, il y avait quelque chose à dire. Il en va de même pour The Authority de Warren Ellis, ou Transmetropolitan, du même bonhomme. C'est trash, ça saigne, ça s'inspire du cinéma (Authority symbolise la naissance du comics "widescreen"), et c'est plébiscité. Mais, je rappelle, on est en 2000, le Comics Code n'a plus cours, et ça raconte quelque-chose.

 

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Aujourd'hui, 10 ans plus tard, les comics ont définitivement emprunté la voie du cinéma et se remakent entre eux, au plus grand déplaisir d'un lectorat lassé (ou pas : voir les hordes de noeuds qui se ruent sur les horreurs de Mark Millar). Vous vous souvenez de ce grand concept des années 90 qui consistait à reprendre un vieux machin et à le balancer looooiiiiin dans le futur avec des "fils de" en guise de héros ? Les années 2000 font pareil, la SF en moins et le sang en plus. Dernier exemple en date (après cette intro de 20 plombes j'y arrive enfin) : The Phantom.

 

uk4f.jpgJ'aime le Phantom, celui de Lee Falk, des strips, du sérial des 40's, le Phantom "pulp", quoi. Depuis 2002 édité par Moonstone, spécialisé dans les rééditions et le revamp de séries pulps à la sauce pulp, The Phantom fut récemment racheté par Dynamite Entertainment, notoirement connu pour ses exploitations hasardeuses de licences (Xena, Army of Darkness, Terminator). En début d'année, Dynamite s'est attaqué au Green Hornet (le Frelon Vert chez nous, surtout connu pour sa série télé avec Bruce Lee en chauffeur masqué) et les étals se sont retrouvés submergés (pas moins de CINQ séries estampillées Green Hornet sont publiées chaque mois ou presque). Le concept y est simple : en 2010, le Frelon originel a nettoyé la ville des cartels mafieux, a rangé son costume, et vit avec son fils d'une vingtaine d'années. Un jour, un certain Black Hornet se pointe et tue papa. Devinez la suite... Plutôt bien écrit (là n'est pas la question, ceci dit, l'éditeur avait également réussi de bonnes choses avec le revamp de Zorro en 2008), le Frelon Vert 2010 est pétri des défauts du remake : le passé est balayé, tout juste Kato revient pour faire son Maître Miyagi, le nouveau "Kato" étant sa fille (evidemment, fallait une nenette qui fait du kung fu), et bien sûr Frelon Jr est un héros goofy moderne qui ressemble à tous les petits cons du cinéma actuel. Le Green Hornet de Dynamite serait un film, Shia LaBoeuf en aurait le rôle principal.

Bref, disais-je, à la suite du Frelon, Dynamite s'est offert le Fantôme du Bengale. Et bardaf, c'est l'anicroche.

Sous l'égide d'Alex Ross, peintre du comics et amateur de vieilleries (il a relancé chez ce même Dynamite un paquet de vieux héros dans son Project Superpowers), le pitch se présente comme ça :

 

"le Fantôme n'est plus, sa lignée s'étant éteinte avec sa 21ème incarnation: Kit Walker, qui a raccroché le manteau depuis longtemps. Il se borne aujourd'hui a sauver le monde à la tête de son entreprise, qui fut créée par l'un de ses prédécesseurs. Mais le monde aura toujours besoin du Fantôme..."

 

http://img215.imageshack.us/img215/9151/42968934.jpgDonc, si je traduis : un vieux Fantôme, des gadgets, un monde en proie au doute et compagnie... The Dark Knight, Frank Miller, anyone ?

Pour parachever le remake, il faut que ce "monde en proie au doute" soit violent et sans consession. Rien de mieux pour le symboliser que de faire un Phantom dark (Batman, disais-je). Dont acte, là, sur la gauche.

"Oh qu'il est beau, le damoiseau," me direz vous. Alex Ross vient déposer sur cet auguste personnage son lit de pétales douces et caressantes, enfin quelque chose de léger et de printanier. Voilà un changement radical par rapport à la tristesse compassée du reste du marché (chez DC et Marvel, ils viennent de finir leur guerres mondiales des couleurs et d'Asgard). Pour en rajouter et pour dire que vraiment ce Phantom là c'est pas un rigolo et que cette série là c'est pas pour les pédés, on lui file un titre grim'n gritty à la Dirty Harry. Ca s'appellera The Last Phantom. Wai. Carrément. Mais c'est parce que The Goddam Phantom était déjà licencié chez DC, je crois...

Je sais pas pourquoi, mais ce Kit Walker aux cheveux gris (et rouges) me rappelle William Munny à la fin d'Unforgiven, quand Eastwood se souvient qu'il est badass, en fait, et qu'il rase une ville à lui tout seul.

 

Tiens, comme je suis d'humeur chafouine, je ne resiste pas à l'envie de vous en remettre une couche (de sirop de cerise), façon Predator cette fois. Décidemment, Carrie l'avait mieux prise, la blague, quand même. http://kofneo.free.fr/turtle.png

 

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Publié dans Séquentiel

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