De l'or, des femmes et d'la bière

Publié le par Yan

Comme pour le cinéma, il est des jeux dont le pitch seul suffit à faire vendre des rondelles de silice. Je n'irais pas jusqu'à dire que Call of Juarez - Bound in Blood fait parti de ceux-ci, mais de voir débarquer la suite d'un FPS, même moyen, dans un univers western très marqué, ça suffisait au moins à faire vendre du papier. La silice attendrait.


Call of Juarez fut un FPS desservi par un moteur 3D poussif (jolies textures mais modélisation approximative, vous verrez que ça ne s'est pas franchement arrangé avec le second volet) et un gameplay bancal, permettant d'incarner deux personnages totalement différents. Si l'idée semblait bonne, aucune des deux phases de jeu ne parvenait pourtant à convaincre, car rébarbatives et mal calibrés (ce point ci fut par contre amélioré).

Sorti en 2006, le jeu est par contre loué pour une ambiance impeccable et une histoire crue et violente. Du bon gros spaghetti bas du front comme on voudrait en jouer plus souvent. Vous vous doutez bien qu'avec un tel passif, Bound in Blood était à la fois attendu et redouté. Ca sentait le pétard mouillé et, pour tout vous dire, ce le fut. Du moins jusqu'au patch 1.1, car c'est ce patch qui me permit enfin d'apprécier ce jeu :
grandement handicapé par une visée automatique complètement pourrie, la version 1.0 n'avait tenu installé qu'une quinzaine de minutes sur mon ordi. C'était juste injouable. Je n'avais alors pas plus que ça porté attention aux graphismes, mais je dois bien avouer que l'ambiance sonore (je joue en anglais) y était, et que ça m'agaçait pas mal de ne pas pouvoir y jouer à cause d'un choix de gameplay pour le moins discutable. Le patch 1.1 permet donc de virer cette visée automatique et, enfin, de profiter du jeu dans de bonnes conditions.


Du flou, du bloom, et des explosions. L'essence même de Bound in Blood

Tout commence dans la boue des champs de bataille de la Guerre de Sécession où nous incarnons (pour commencer) Ray McCall, poète Sudiste à la voix suave et aux interventions fleuries. Le gars veut aller secourir son frangin dont le bataillon est prit en chasse par l'armée de l'Union. Le premier contact avec ce gameplay allégé (sans visée automatique) reste étrange : notre fermier du Wyoming se déplace de manière très sèche et le level design pour le moins couloiresque file rapidement mal au crâne. Ajoutez à cela des objetifs MedalofHonoriens façon "allez chercher ça" ou "prenez la gaitling et fauchez toutes les mouches bleues qui courent dans la prairie", et vous comprendrez qu'on ira voir plus loin question originalité. Bound in Blood est un FPS au premier degré, bien bourrin, à l'image de ses personnages.
Ceux ci se jouent, vous l'aurez compris de manière différente. Pas totalement comme dans le 1er volet, car ils vivent cette fois tout deux la même aventure (on s'interrogera au passage sur les choix des devs qui affirmaient en interview qu'il était impossible de programmer un mode coop à cause du scénario "différencié" alors que le jeu, une fois en main, semble clairement bâti pour ça -Ray a besoin de l'aide de Thomas pour atteindre certaines hauteurs, entre autres choses- mais bon, passons...). Vous aurez donc la plupart du temps à choisir entre Ray et Thomas au début du niveau, chacun ayant ses particularités : Ray peut utiliser 2 guns en même temps, Thomas est plus précis au fusil; Ray est plus puissant, Thomas saute plus haut; Ray balance de la dynamite, Thomas utilise un fouet (comme Billy dans le 1er). D'ailleurs, comme dans le 1er, cette particularité amène le joueur de Thomas à devoir se farcir d'ignobles phases de plates formes incroyablement mal foutues, et Ray est tellement fun à jouer qu'on finira inévitablement par privilégier le grand bourrin à son petit frère.
Autres particularités du gameplay, le focus et les duels. Le focus est différent selon le personnage et sert de special façon jeu de baston : une fois une barre de charge remplie (en butant des ennemis), on peut activer un bullet time. Ray visera différents points des ennemis visibles et balancera la purée à la fin du décompte tandis que Thomas vous obligera à jouer de la souris pour imiter le mouvement du percuteur de votre arme pour buter les vilains un par un d'une bastos bien placée. Les duels, eux, sont scriptés : certains personnages vous provoqueront en un contre un (que vous jouiez Ray ou Thomas n'y change rien) et il faudra alors dégainer plus vite que votre adversaire pour vous en débarrasser. Pas idiote et relativement bien foutue, cette phase de jeu s'avère néanmoins souvent agaçante, l'amplitude de votre mouvement de souris n'étant pas toujours suffisante pour sortir votre arme (ça arrive aussi lors du bullet time de Thomas, mais là vous avez droit à une deuxième chance).


Jolies textures mais rochers "Jane Birkin" : ultra plats (vous remarquez au passage la vivacité de l'IA)

Je parlais plus tôt de mal au crâne, sachez qu'on l'a aussi et surtout à cause d'un bloom pas possible, les développeurs ayant balancé de l'HDR absolument partout dans leur jeu histoire de bien montrer que l'Ouest est chaud et que leurs textures sont belles. Ah ça, elles sont belles, les textures..... mais alors la modélisation.... Ca bug-de-collisionne de partout, les bras des personnages sont formés par 3 polygones maximum (les malheureux indiens font peine à voir), et si les personnages n'avaient pas ces gueules patibulaires hyperexpressives pour les sauver, on aurait tôt fait de qualifier l'évolution 3 du moteur Khrome de vieille brouette mal foutue. Je vais être honnête avec vous, je trouve ce jeu passablement moche (le bloom et le HDR, j'ai horreur de ça), et l'évolution 3 du moteur Khrome EST une vieille brouette mal foutue. Le pire dans tout ça, c'est qu'il faut y jouer pour le voir, les screenshots qu'on trouve sur le net étant fondamentalement jolis, comme vous pouvez le voir (merci IGN). Attendez toutefois de vous trouver devant les cinématiques mettant en scène les apaches, et vous comprendrez de quoi je parle...
Ceci dit, les ragdolls sont rigolotes, ça saigne, les corps ne disparaissent pas en touchant le sol (mais on peut pas tirer dedans comme dans Soldier of Fortune) et la physique des -trop rares- objets destructibles n'est pas encore trop moche.

La caméra a également de gros problèmes par moments, essentiellement lorsque vous êtes sur un "objet" en mouvement. La poursuite en diligence est juste injouable, ça bouge tellement qu'on se croirait dans une scène de baston à la Jason Bourne (sauf qu'il faut viser des gars à cheval qui vous canardent en même temps) et les phases sont une plaie car programmées absolument n'importe-comment (et, au rayon des approximations, on se balade à cheval avec deux armes en mains comme si de rien était...). Le dernier niveau, dans la "caverne au trésor", est également un modèle de prise de tête injouable, avec son tremblement de Terre et ses escaliers trop étroits.

Un petit mot sur l'IA, également : vos ennemis sont royalement cons et servent juste de chair à canon pour vous amuser à vider vos chargeurs. C'est pas encore trop gênant (je dirais qu'au contraire, ça ajoute du fun bien gras au propos du jeu), mais ce mal touche parfois votre frangin, souvent complètement à côté de la plaque, se collant dans vos pattes sur les passages étroits ou vous poussant même d'une plate-forme (oui, parce que les collisions sont aussi particulièrement lâches, par endroits). Super.

Je passe volontairement sur le scénario, que la (web)presse vend démentiel, et qui sert juste à justifier les différents génocides auxquels on se livrera dans la joie et la fumée des Colts. Perso, j'ai trouvé ça très con, limite incohérent par moments, mais les nombreux dialogues nous permettent néanmoins de savourer le cirque ambulant qu'est Ray McCall, une véritable brute qui passera son temps à râler et à balancer des saloperies (la scène du "pardon" est tout simplement énorme).

Le bullet time de Ray, je connais un mexicain qui va le sentir passer

Que dire, en définitive, sur Bound in Blood ?
Au niveau technique, le gameplay n'est pas toujours à la hauteur (voire pas du tout en version 1.0, foutue visée automatique), les graphismes piquent aux yeux et la physique ne suit pas toujours. Si l'on s'arrêtait là, on balancerait le jeu avec les restes de la beuverie du saloon. Mais Bound in Blood a un cachet qui fait qu'on s'y attache. Le scenar' est bien senti (quoique, je le répète, particulièrement couillon), les personnages sont des salopards finis et ça sent la poussière et l'alcool. Toute l'ambiance du western y est. On s'éclate et, finalement, c'est le plus important.
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